chargement...

haut de page
Remontez pour accéder au menu
200 visiteurs :: Invité  » se connecter  » s'enregistrer

Eyehategod - In The Name Of Suffering

Chronique

Eyehategod In The Name Of Suffering
Crasse, poisse, anxiété, dégoût des Autres et de soi-même, envie de tout foutre en l’air ou bien de voir ce monde s’écrouler, c’est, entre autres, tout ce qu’il peut venir à l’esprit à l’écoute d’un album de sludge, enfin, pour une bonne partie des formations évoluant dans ce style, et, plus particulièrement à l’écoute de ce premier album d’EyeHateGod, In The Name of Suffering. Formé selon la légende le vingt avril mille neuf cent quatre vingt autour de Jimmy Bower et de Mark Schultz, le groupe stabilisera l’année suivante son line-up avec les arrivées successives de Steve Dale à la basse, de Joe LaCaze à la batterie et de Mike Williams au chant. Tout ce beau monde enregistra la seconde démo de la formation, Lack of Almost Everything, séminale à plus d’un point, et qui intéressa le label français Intellectuel Convulsion qui sortit donc en mille neuf cent quatre vingt dix ce premier album, avant de mettre la clef sous la porte quelques mois après. Fort heureusement, le contrat signé par la suite avec Century Media permit à cette première réalisation d’être rééditée en mille neuf cent quatre vingt douze, avec une pochette différente, celle avec cette maison du Bayou, que l’on retrouvait déjà au version de l’édition originelle. Voilà pour la petite histoire de cet album, qui lui va faire rentrer EyeHateGod dans la grande Histoire du metal.

Historique en effet, car l’on a ici l’acte de naissance du sludge, ni plus, ni moins. Même si, effectivement, l’on pourra me rétorquer que, déjà, dans les année quatre vingt, l’on avait eu les prémices du genre avec la face B du My War de Black Flag, et, surtout, le binôme Gluey Porch Treatment et Ozma de Melvins qui ont eu une énorme influence sur Jimmy Bower et tous ses petits camarades avec lesquels il aimait jammer ou s’amuser à l’époque. C’est donc dans cette lignée que s’inscrit EyeHateGod avec ce premier album, avec une musique qui pioche tout autant dans la hardcore furieux et sérieux de Black Flag, dans la bivalence et la nonchalance de Melvins, en plus de leur accordage plus bas, et, bien évidemment, la lourdeur d’un Black Sabbath ou d’un Saint Vitus, pour ce qui est de sa composante héritée du doom metal. À cela, vous pouvez ajouter une dose de blues, celui des bas-fonds du Bayou, mais pas encore cette touche southern que l’on retrouvera bien plus par la suite. Non, l’on et ici dans une version bien plus hirsute et très rêche d’EyeHateGod, la moins accessible pour ainsi dire. En cela, la production très sommaire de cet album, pas si éloignée que cela des standards des premiers méfaits de Black Flag ou de Saint Vitus, renforce cet aspect. Ici, c’est cru, aucunement poli, et l’on a clairement ce sentiment d’être enfoui sous une tonne de poussières à l’écoute de ces trente cinq minutes.

Si l’album dure une grosse demie heure, l’on a toutefois le sentiment que le temps s’étire à son écoute, et, de toute manière, l’on n’est pas du tout là pour être caressé dans le sens du poil. Il y a une certaine mise en valeur de l’antithèse du beau sur cet album, et en cela, je rapprocherai presque la démarche des Américains de celle de la seconde vague du black metal norvégien. Après tout, eux aussi ont formé EyeHateGod en réponse à un certain conformisme dans l’underground musical. Mais ils le font d’une autre manière, avec leurs armes, pour un rendu tout aussi repoussant et répugnant. Surtout lorsque l’on sait que l’élément le plus récurrent dans la musique d’EyeHateGod, c’est la présence de nombreux larsens sur chaque titre, et pas seulement en début ou en fin de morceau. Autant dire que les oreilles n’ont pas vraiment le temps de se reposer, et que cela donne tout autant de signes sur la nonchalance des musiciens, que de leurs velléités de laisser leurs auditeurs dans une situation d’inconfort perpétuel. D’ailleurs, il ne faudra aucunement s’attendre à trouver ici des schémas de compositions classiques, parce qu’il n’y en a pas. L’on a de temps à autres des structures récurrentes, mais c’est pour qu’elles s’effacent derrière un empilement de riffs, de changements de rythmes, de fausses pistes et de détours qui ne mènent nulle part, si ce n’est vers une sorte d’abrutissement ou de culs de sac.

Ici, le quintet se complet à asséner des riffs et à les empiler, Jimmy Bower est déjà un expert en la matière, le plus souvent patauds et sur un faux rythme. La lenteur est la plus fréquemment de mise et les riffs se caractérisent surtout pas leurs côtés baveux et nonchalants, comme si l’on voulait faire preuve d’immobilisme. Il faut dire que le grain de guitares assez particulier, car très granuleux et très enfouis sous une distorsion et dont on peine parfois à distinguer les contours renforce clairement cet aspect. C’est même ce qui fait tout son charme, et cela colle bien avec la signification même du terme sludge: boue ou vase. L’on n’est pas dans la finesse, mais plutôt dans quelque chose de bien ragoûtant. Si la composante héritée du doom metal est assez mise en avant, In The Name of Suffering est aussi l’album où les influences propres au hardcore sont les plus proéminentes et viennent se greffer dans tous ces soubresauts rythmiques qui émaillent bon nombre de compositions, et notamment Depress et Left To Starve. Si les tempi s’emballent, et souvent de manière assez sauvage, car l’on ne s’encombre pas du tout de transitions chez le quintet, cela ne dure souvent pas longtemps, mais cela arrive assez souvent sans qu’on le sente venir et cela s’arrête aussi abruptement que c’est arrivé. Et comme l’on aime un tant soit peu chez EyeHateGod de ne pas se répéter, l’on aime bien surprendre, comme c’est le cas avec cette introduction bien rentre dedans sur Hostility Dose, avant que cela ne revienne à des passages plus pachydermiques.

Ainsi ce va et bien entre passages assez lents et d’autres instantanés plus véloces, va donner un réel sentiment d’instabilité à tout ceci, quelque chose d’un peu chaotique même. Parce qu’il n’y a rien de linéaire dans la musique d’EyeHateGod, même quand il prend le temps d’asséner des gros riffs bien lourds, il y a toujours ce break ou ce contretemps qui vient casser la routine: tous ces instants où l’on pensait pouvoir se raccrocher à quelque chose sont fugaces, et l’on se retrouve souvent avec ce sentiment d’être ou bien jeté au sol et écrasé sous un torrent de boue, que molesté avec la première barre à mine rouillée trouvée sur le bas-chemin. Plus encore que sur tout autre album du groupe, et à l’image de la pochette d’origine, il y a vraiment un côté malsain dans tout ceci, et de vilain, mais dans son acception médiévale du terme, avec, en sus, un côté assez déprimant, mais cette déprime qui te fait passer d’un moment à l’autre à cette haine de soi à celle des autres, et l’envie de tout fracasser. En cela, Mike Williams joue clairement sont rôle de frontman avec des paroles qui suintent le malaise par tous les oripeaux et un chant hurlé comme s’il était en train d’agoniser et qu’il avait toutes les peines pour respirer, mais qu’il en profitait tout de même pour déverser son dégoût de toute chose. Ce d’autant qu’il ne prend pas les devants à tout moment, et qu’il laisse bien ses musiciens s’exprimer, avant de nous scander ces sortes de poèmes de la malséance.

Tout transpire le malaise sur ce In The Name of Suffering, de la musique aux paroles, de la production à la construction des titres, de l’introductif Depress au final Hit a Girl. Si l’on peut avoir l’impression d’un groupe encore vert, une teinte qui sied pas mal à leur musique, mais non pas le beau vert émeraude des grands espaces, mais celui bien plus repoussant des égouts et de la vase, rien n’est réellement fait au hasard, ni à la légère sur ce premier album. Certes, la production un peu étouffée peut paraître abrupte, l’amateurisme du producteur et le peu de moyens mis dans cet enregistrement vont également dans ce sens, mais c’est pourtant une très belle leçon de choses que nous donnent les hommes de la Nouvelle-Orléans. Comme quoi, il n’y a pas besoin d’avoir des moyens conséquents et des gros amplis à foison pour faire passer son message et mettre à genou son monde devant une musique qui est tout à la fois répulsive qu’attractive. Il y a ici une authenticité et un cachet assez unique dans cet album dont la gaucherie, d’une certaine manière, et l’âpreté lui confèrent une aura unique, notamment ce côté plus abrupt de leur musique et cette facette volontiers plus hardcore.

Pour un album fait quasiment de bruit et de fureur, c’est déjà un coup de maître de la part d’EyeHateGod, qui a non seulement su synthétiser des influences assez évidentes, mais c’est surtout distingué en y apportant une réelle personnalité et un sentiment rare d’abattement et de renoncement sur ce In The Name of Suffering. Un disque qui n’a d’ailleurs pas perdu de sa superbe plus de trente ans après sa parution, dont il est bon parfois de se référer pour se rappeler d’où tout ceci provient, car il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’il a été séminal à plus d’un titre et se pose comme l’acte réellement fondateur d’un courant, le sludge, et d’une certaine grammaire musicale. Et des albums de cette trempe, il n’y en a pas tellement eu depuis lors, même si l’on peut énumérer une liste sans fin de groupes ou d’albums qui s’en rapprochent, mais très peu ont cette saveur ou cette authenticité, voire cet incongruité. Ce ne sera sans doute pas l’album le plus facile d’accès du groupe, mais il mérite amplement son statut d’album culte, acte de naissance tout autant musical, que pour une scène dont l’on entendra encore parler pendant un long moment.

DONNEZ VOTRE AVIS

Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.

2 COMMENTAIRE(S)

Krokodil citer
Krokodil
12/04/2022 11:52
note: 8/10
Plus d'affinités avec Take as Needed for Pain perso, plus lisible, plus hargneux et globalement mieux produit (moins sludge ?) ... mais oui c'est l'une des grandes bases du blues-rock des swamp louisianais, avec d'autres beaux noms bien sûr (Acid Bath, Graveyard Rodeo, Crowbar et j'en passe...)
Holmy citer
Holmy
10/04/2022 15:43
Eyehategod

Ce groupe me créé un malaise à chaque fois que je lance l'écoute d'un de leurs albums. Mais paradoxalement, (masochistement ?) c'est ce malaise que je recherche. La crasse et le mal-être qui se dégage de leur musique n'est pas une posture, et ça s'entend. Pire, ça se ressent.

Pour moi, il n'y a pas que cet album qui soit difficile d'accès. Chaque album du groupe est une épreuve, un abcès qui pète.

Eyehategod fait ressortir tout ce qu'on de pourri en nous, et c'est ça qui est bon.

AJOUTER UN COMMENTAIRE

 
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
Eyehategod
notes
Chroniqueur : 8.5/10
Lecteurs : (2)  8.5/10
Webzines : (4)  8.21/10

plus d'infos sur
Eyehategod
Eyehategod
Sludge - 1988 - Etats-Unis
  

écoutez
vidéos
Depress (Live)
Depress (Live)
Eyehategod

Extrait de "In The Name Of Suffering"
  

tracklist
01.   Depress  (04:58)
02.   Man Is Too Ignorant To Exist  (02:37)
03.   Shinobi  (05:15)
04.   Pigs  (02:59)
05.   Run It Into The Ground
06.   Godsong  (02:44)
07.   Children Of God  (03:10)
08.   Left To Starve  (03:09)
09.   Hostility Dose  (02:43)
10.   Hit A Girl  (04:18)

Durée : 35:03

line up
parution
1 Décembre 1990

voir aussi
Eyehategod
Eyehategod
A History of Nomadic Behavior

2021 - Century Media Records
  
Eyehategod
Eyehategod
New Orleans Is The New Vietnam (Single)

2012 - A389 Records
  
Eyehategod
Eyehategod
Eyehategod

2014 - Housecore Records
  

Essayez aussi
Slave Hands
Slave Hands
No More Feelings

2020 - Dry Cough Records / Sewer Prison / Gate of Deliria / Minor Obscure
  
Fistula
Fistula
Idiopathic

2003 - Shifty Records
  
Acid Bath
Acid Bath
Paegan Terrorism Tactics

1996 - Rotten Records
  
Sludge
Sludge
Yellow Acid Rain

2004 - Mighty Music
  
Iron Monkey
Iron Monkey
Iron Monkey

1996 - Union Mill
  

Black Sabbath
Cross Purposes
Lire la chronique
European Tour - Spring 2024
Bell Witch + Thantifaxath
Lire le live report
BELL WITCH
Lire l'interview
Subterraen
In the Aftermath of Blight
Lire la chronique
Diabolus In Musica - Exposition Philharmonie de Paris
Lire le dossier
Civerous
Maze Envy
Lire la chronique
Slimelord
Chytridiomycosis Relinquished
Lire la chronique
Redstone
Immortal (EP)
Lire la chronique
Yawning Man
Long Walk Of The Navajo
Lire la chronique
Campaign for Musical Destruction Tour 2024
Master + Napalm Death + Pri...
Lire le live report
Knoll
As Spoken
Lire la chronique
Near Death Experience
Brief is the Light
Lire la chronique
Darkspace
Dark Space -II
Lire la chronique
Spectral Voice
Sparagmos
Lire la chronique
Release Party
Ataraxie + Déhà + Marche Fu...
Lire le live report
Silhouette + Skaphos + Versatile
Lire le live report
Dream Unending / Worm
Starpath (Split-CD)
Lire la chronique
Bilan 2023
Lire le bilan
Kaamosmasennus
Le jour ne se lève plus
Lire la chronique
Vastum
Inward To Gethsemane
Lire la chronique
Convocation
No Dawn for the Caliginous ...
Lire la chronique
On Thorns I Lay
On Thorns I Lay
Lire la chronique
Sorcerer
Reign of the Reaper
Lire la chronique
Les Sakrif'or BLACK METAL 2023
Lire le podcast
Adversum
Vama Marga
Lire la chronique
Formalist
We Inherit a World at the S...
Lire la chronique
Gateway
Galgendood
Lire la chronique
Phlebotomized
Clouds of Confusion
Lire la chronique
Nephilim's Noose
Blood Chants of Impiety
Lire la chronique
Krieg
Ruiner
Lire la chronique
Undergang / Spectral Voice
Undergang / Spectral Voice ...
Lire la chronique