Slimelord - Chytridiomycosis Relinquished
Chronique
Slimelord Chytridiomycosis Relinquished
Je ne sais pas de quoi les prochains mois seront faits pour le label de Pittsburgh mais ce qui est sûr c’est que ce début d’année 2024 est l’un des plus prolifiques que 20 Buck Spin ait connu depuis le début de ses activités en 2005. Une succession de sorties toutes plus remarquables les unes que les autres, qu’elles soient particulièrement attendues comme c’est le cas des nouveaux albums de Civerous, Hulder, Atræ Bilis et Witch Vomit ou plus surprenantes à l’image de l’excellent premier album de Dissimulator (Lower Form Resistance) qui n’a pas manqué de s’imposer comme l’une des meilleures découvertes de ce début d’année. Parmi ces nouveautés dont certaines restent encore à venir, on trouve également le premier album des Anglais de Slimelord qui depuis la sortie de leur premier EP en 2019 (le très bon The Delta Death Sirens) ne cessent de faire parler d’eux.
Sorti au début du mois, Chytridiomycosis Relinquished (bon courage pour espérer le placer dans une conversation sans trébucher) vient donc mettre un terme à une série de sorties de moyennes envergures (trois EPs, un single, un album live) afin de permettre aux Anglais de passer à l’étape suivante : conquérir le monde. Originaire de Leeds, Slimelord est composé aux trois cinquièmes par des membres de Cryptic Shift (Xander Bradley (guitare), John Riley (basse) et Ryan Sheperson (batterie)) auxquels viennent se joindre le chanteur Andy Ashworth ainsi qu’un tout nouveau guitariste en la personne de Travis Jordan venu remplacer un Krystian Zamojski dont il est encore possible d’apprécier la contribution sur ce premier album. Enregistré une fois de plus par Adam Rogers (Mere Mortal, Mortuary Spawn, Pest Control, Sewer Fiend, Vaticinal Rites...) qui travaille avec Slimelord depuis 2021 et cette fameuse reprise des Suédois de Carnage (« Torn Apart »), Chytridiomycosis Relinquished est également passé entre les mains expertes de Damian Herring (Horrendous, Azothyst, Blood Incantation, Cryptic Shift, Sentient Horror...). Si les deux hommes nous offrent une production exempte de véritables défauts, on retiendra surtout de ces collaborateurs extérieurs l’illustration colorée de l’inégalable Brad Moore (Tomb Mold, Worm, Sedimentum, Putrid Tomb, Coffin Mulch...) qui une fois de plus régale les yeux et nourrit l’imaginaire.
S’il a d’abord servi de projet parallèle aux membres de Cryptic Shift afin d’explorer de nouveaux horizons sans qu’il soit pour autant question de s’affranchir des codes du genre dans lequel il a choisi de s’inscrire, cela n’a pas empêché Slimelord de travailler, développer et finalement affiner sa proposition au fil des sorties afin d’aboutir aujourd’hui à une formule certes toujours très proche des standards en place depuis déjà quelques décennies mais néanmoins marquée par une personnalité de plus en plus prononcée. Si elle est à classer sous la catégorie "Death / Doom", la musique des Anglais a cependant bien davantage à offrir que des riffs plombés servis à travers une ambiance crépusculaire et funeste... Alors évidemment, dans les grandes lignes et vu de loin, Chytridiomycosis Relinquished s’apparente pourtant bel et bien à une succession de séquences rampantes et marécageuses et de passages à l’intensité significativement plus prononcée. Une dualité qui n’a absolument rien de nouveau puisqu’après tout elle est le propre de cette union entre Death Metal et Doom. Lorsque l’on y jette une oreille un petit peu plus attentive, on va vite se rendre compte que la formule de Slimelord ne peut se définir uniquement que par un simple mélange des deux genres et qu’il y a bien plus à trouver sur cet album des Anglais qu’on ne pourrait le croire au premier regard.
En effet, tout au long de ces sept nouvelles compositions s’étirant entre cinq et huit minutes, Slimelord va user de sonorités et de constructions relativement exotiques. C’est le cas notamment sur "Gut-Brain Axis" et "Splayed Mudscape", deux titres qui se succèdent et sur lesquels les Anglais vont explorer des horizons mélodico-progressifs tout en conservant en arrière-plan ce côté lourd et rampant propre au Death / Doom. Une approche complexe, peu intuitive et encore moins immédiate qui a le mérite de sortir quelque peu des sentiers battus grâce à ces riffs courts et entêtants ou à ceux plus denses et alambiqués, ces roulements et autres frappes de batterie explosifs mais néanmoins contenus, cette basse qui frétille et à qui on a laissé toute la latitude nécessaire afin qu’elle puisse s’exprimer comme elle l’entend ou bien encore ces voix multiples et variées qui se font écho... Moins mélodique mais toujours très progressif (notamment dans sa construction et dans son déroulé), "Batrachomorpha Resurrections Chamber" se veut lui aussi tout aussi singulier avec notamment de longues séquences instrumentales ou, plus exactement, un usage parcellaire du chant puisqu’à l’exception de ce passage compris entre 1:57 et 2:38, les interventions d’Andrew Ashworth et Alexander Bradley sont effectivement des plus limitées. Avec "The Hissing Moor" et "Tidal Slaughtermarsh", Slimelord va de nouveau hausser le ton, renouant ainsi avec une certaine forme de brutalité déjà exprimée sur l’excellent "The Beckoning Bell" sans pour autant laisser de côté ces séquences bigarrées, complexes et tarabiscotées qui font le sel de ce Death / Doom étrange et marécageux. Les Anglais concluent ce premier jet longue-durée avec "Heroic Demise", un titre instrumental de près de cinq minutes particulièrement bien senti puisqu’à travers cette approche en apparence simplifiée (ou en tout cas plus immédiate) insuffle à ces derniers instants un groove jusque-là inédit à grand renfort de riffs particulièrement entêtants ainsi qu’une touche de mélodie par le biais de nappes de synthétiseurs futuristes.
Bien que le Death / Doom soit un genre relativement convenu avec un cahier des charges et des règles du jeu suffisamment clairs pour les voir appliquer par le plus grand nombre, il est agréable de constater que certains groupes sont encore tout à fait capables de jouer avec ces conventions et ce cadre limitatif dans le but d’offrir aux auditeurs quelque chose de frais et de personnel dans un registre pourtant assez immuable. Avec Spectral Voice (loin devant) ainsi que Civerous (dont la chronique du nouvel album devrait arriver d’ici peu), Slimelord se hisse parmi ces formations "novatrices" désireuses de sortir des sentiers battus sans pour autant chercher à trahir ce genre dans lequel elles s’inscrivent. Certes, la recette des Anglais n’est peut-être pas la plus évidente à appréhender avec ces structures complexes, ce riffing tortueux et cette nature assez dense et peu immédiate (notamment lorsque le groupe lève le pied) mais c’est aussi ce qui fait le charme de Slimelord qui par le biais de ce premier album confirme tout le bien que l’on pensait déjà de lui tout en profitant de l’occasion pour monter en grade. Bref, encore une belle sortie de ce début d’année 2024 qu’il s’agirait de ne pas louper.
| AxGxB 25 Mars 2024 - 875 lectures |
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2 COMMENTAIRE(S)
citer | Très bon album. Je le préfère d’ailleurs au Spectral Voice (hahaha ;-) ). Le mix est parfait. |
citer | Suis obsédé par cet album. Vraiment genial! |
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2 COMMENTAIRE(S)
26/03/2024 14:55
25/03/2024 15:26