Voilà une réflexion qui risque d’en révulser plus d’un, tant elle s’approche de celle que l’on peut avoir dans l’art académique, voire contemporain : il y a de fortes chances que, quand l’on pensera à la discographie de Blut Aus Nord une fois celle-ci terminée – ce qui n’est pas pour demain visiblement, étant donné la créativité de Vindsval encore récemment avec Ershetu et Eitrin –, il y ait des batailles d’école. C’est déjà le cas, certains s’empoignant pour savoir où le maître est à son plus haut, les Memoria Vetusta, la trilogie 777 ou encore les débuts fièrement traditionalistes et remis au goût du jour dans le side project Forhist… Sans parler de ces quelques bizarreries industrielles, non liées entre elles mais à l’esthétique proche.
Il n’y a pas nécessairement de camps à choisir, notez : on peut apprécier toutes les embardées de Vindsval, trouvant même un lien entre elles, un fil rouge allant de la mélancolie d’un
Ultima Thulée aux appels cosmiques de
The Desanctification ou
Hallucinogen, en passant par la contemplation romantique des forêts de
Saturnian Poetry. Pourtant, et c’est bien une première me concernant, j’ai du mal à pleinement adhérer à la période lovecraftienne de Blut Aus Nord. Au départ enthousiasmé, notamment par des
Lovecraftian Echoes dont j’ai eu la chance, avec d’autres, de suivre la genèse, les tâtonnements déjà réussis, jusqu’au premier volet en bonne et due forme qu’était
Disharmonium – Undreamable Abysses, j’ai aujourd’hui plus d’une réserve sur cette part de l’architecture malade construite par le Français.
D’où viennent-elles ? Peut-être de cette impression que ce projet cherchant à rendre hommage se diminue sous la stature d’un autre, ce cher Howard à l’héritage indéniable mais si présent que l’on erre en terrain connu dans cette forme d’indicible. Peut-être aussi dans cette présentation des outils que choisit Vindsval pour peindre au mieux sa vision d’un autre, ici les rappels atonaux à
MoRT, là les riffs gluants de
Deus Salutis Meae et
777 – Sect(s), le psychédélisme glauque de
777 – The Desanctification… Pour la première fois, les ficelles paraissent un peu grosses, à commencer par ce fonctionnement par cycle, convenu une fois perçu (il y a des chances qu’une élévation de tempo avec riff chaotique surgisse après les pistes ambiant « Hideous Dream Opus »). Ça y est, la lassitude me gagne, après tant de révérences envers la formation ?
Heureusement non. Considérez ce que vous venez de lire comme les idées noires d’un auditeur exigeant à force d’années et de genoux ployés devant les créations de Vindsval. Blut Aus Nord est un des rares groupes dont on ne saurait dire avec certitude quel est son meilleur album tant il a été auteur de nombreux coups d’éclat ; il est donc désarçonnant de se retrouver devant
Disharmonium – Nahab, ses quarante-quatre minutes pleinement maîtrisées, hypnotiques, impitoyables et pourtant laissant un peu extérieures.
Il y a de quoi s’enthousiasmer ici. A l’écoute de « The Endless Multitude », « The Crowning Horror » ou « The Ultimate Void of Chaos », on ne peut que noter que Blut Aus Nord n’a pas mis de l’eau dans son vin avec l’âge. C’est même tout l’inverse, tant les moments sortant les crocs contiennent cette terreur devant le Grand Tout que l’on est en droit d’espérer d’une filiation se réclamant de Lovecraft. On peut même être surpris par cette fluidité cinématographique qui manquait à son prédécesseur, ces quelques jets de lumière accentuant les ombres (les leads tordus de « Queen of the Dead Dimension »), ces sauts entre death, black, doom metal et explorations avant-gardistes (dont « The Black Vortex » est évidemment le moment le plus marquant).
Nahab accentue et complexifie à la fois la charge difforme car multiple qu’était
Undreamable Abysses, au point d’en être une suite dont on peut dire sans la dénaturer qu’elle reprend les bases établies tout en les emmenant plus loin.
Un sacré programme donc, que Blut Aus Nord parvient à tenir tout du long. Certes, on notera une première partie bien plus dévastatrice que ce qui la suit, l’avancée reste un plaisir pour les oreilles. N’être que spectateur ne veut pas dire que l’on n’apprécie pas le spectacle : simplement que l’on voudrait y entrer un peu plus, être en résonance avec ce qui est décrit ici, monstre parmi les monstres.
Ce que Blut Aus Nord a déjà pu transmettre, raison pour laquelle j’attendais plus de
Nahab. Il n’en reste pas moins une œuvre que j’écoute avec considération – et en prenant mon pied, car cela reste l’essentiel – tant la multitude de ses effets impressionne. Juste, il ne sera pas la première chose qui me viendra en tête dans le futur quand je parlerai avec d’autres anciens fans de Blut Aus Nord. Reste à voir ce que le futur nous réserve !
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