J’imagine qu’il faudrait présenter
Hope /// Dope /// Rope comme l’album où tout a commencé pour Hangman’s Chair.
Leaving Paris était une œuvre transitoire avec encore ce goût prononcé pour le stoner des débuts mais aussi l’arrivée de deux éléments majeurs : Cédric Toufouti et une attirance vers les tempos plus doom, encore timides tous deux. Un tour de rodage, pour ensuite lancer cette succession de chefs d’œuvres que l’on connait.
Donc, voilà où l’on a envie de commencer l’histoire avec Hangman’s Chair tant il a sublimé son style sur
Hope /// Dope /// Rope pour ne plus quitter les hauteurs qui le placent parmi nos meilleurs représentants dans le metal – voire un peu plus. Seulement, asséner ce genre de vérités toutes faites le long de la chronique, accumuler les mots « pépite », « masterclass », « réussite entre tradition et modernité » ne m’intéresse pas plus que ça – et ne ferait pas honneur à cet album qui, plus que « le début d’une formidable histoire », est un aboutissement en lui-même.
On ne le dit pas assez, tant on insiste sur les ponts que fait le groupe sur chacun de ses albums : Hangman’s Chair est une entité en mutation constante, ne sortant jamais deux fois le même disque.
Hope /// Dope /// Rope n’est donc pas une base sur laquelle la bande développera par la suite, pas un canevas de cette cartographie de la France moins la campagne, plus les banlieues, moins les centres-villes, plus les bars de quartier, moins Mitterrand et plus Balavoine, que l’on peut dessiner le long de la discographie où il s’insère ; il est unique, comme chacun de ses frères, partageant un même décor mais clairement pas une même vie.
Et la vie que dessine
Hope /// Dope /// Rope est celle qui se dévore elle-même, cherche dans les drogues et les rues des paradis artificiels qui rongent jusqu’au cœur. Cette seconde jeunesse paraît déjà au bord de la mort, vieille derrière ses allures de bagnard fringant. Qu’on ne se laisse pas avoir par le bel artwork de Dave Decat « Fatalitas » : les couleurs vives ne font pas oublier ce gris qui se dessine sur un titre comme « December » racontant bien un hiver intérieur ; le fantasme des lieux, le début vingtième et ses Apaches ne font pas oublier la violence d’une existence de crimes à la petite semaine, « Ain't Living Long Like That » ou « A Scar to Remember » rappelant « comment on vous vole et comment on vous tue » ; les bousilles ne cachent pas les cicatrices que la voix de Cédric Toufouti se charge de pointer. Une voix qui est, sur cet album, plus blues que par la suite, similaire à un Dax Riggs parisien, le charme vénéneux et sordide errant à Pigalle plutôt qu’en Louisiane.
Hope /// Dope /// Rope affiche son programme dès son titre, l’espoir oublié et la corde au bout du chemin. Élire un album au-dessus des autres ne veut pas dire grand-chose au sein d’une discographie comme celle-ci mais il est parfait de bout en bout, plombé bien que sans temps morts (jusqu’à emporter au-delà de toute mesure, cf. le doublet « The Saddest Call » / « Open Veins »), équilibré et généreux (on ne saurait trop conseiller de prendre la version de Music Fear Satan avec les titres bonus, plus âpres mais non moins réussis, issus des splits avec Drawers et Acid Deathtrip). Son ambiance continue de me poursuivre malgré les années à l’écouter, étincelante de vitalité derrière les affres avant le trépas. Il y a une faim sur cet album qu’Hangman’s Chair domptera plus tard, avec la beauté que l’on connaît (le cinématographique
Banlieue Triste par exemple) et qui, ici, fait la particularité de ces cinquante-deux minutes.
Hope /// Dope /// Rope est également marquant par sa production, Francis Caste étant presqu’à voir comme un membre à part entière de la formation. Il donne ici à Hangman’s Chair un son rugueux et liquide à la fois transmettant avec justesse les sentiments ambivalents, entre douleur et séduction qu’il y a à se laisser couler, qui font la profondeur de cette musique. Une matière que les Français continueront de malaxer ensemble, l’emmenant vers plus de lourdeur puis plus de froideur mais qui n’est en rien une esquisse. Non, on parle plutôt d’achèvement dès le départ, avec ce que cela suggère de perfection et de mise à mort.
3 COMMENTAIRE(S)
20/03/2025 20:51
Un album de grunge suicidaire avec une pochette bleu blanc rouge, faut avouer que c'est pas banal.
20/03/2025 18:05
20/03/2025 09:06