Slowhole - Slowhole
Chronique
Slowhole Slowhole
Qu’il en soit ainsi. Si le sludge ne peut plus qu’exister en s’alimentant à d’autres sources, s’il ne peut que devenir ce crachat extrême à qui sera le plus torturé, le plus lourd, le plus nihiliste, le plus psychopathe, s’il ne peut plus exprimer une détresse urbaine d’une époque qui n’avait pas internet et parcourait encore les rues, s’il ne peut que tomber dans la référence, musicale, cinéphilique, philosophique… Soit.
Mais qu’il soit toujours dégueulasse. Qu’il donne toujours l’impression d’ouvrir notre cervelle pour en sortir une mélasse noire, hier contenant les soirées en squat, les banlieues et leurs vies quotidiennes, aujourd’hui devenant un résidu de nos sessions sur la toile jusqu’à en être prisonnier, creepy pasta laissant notre gueule en fils gluants. Qu’il soit ce que Slowhole est, cette obsession pour un film sans doute regardé en streaming illégal (Possession d’Andrzej Żuławski d’où est tiré l’illustration d’Isabelle Adjani ainsi que l’ensemble des samples composant ce premier album), cette envie d’appuyer en majuscule jusqu’aux titres, perché dans des hauteurs noise rappelant le terrorisme cru de The Body bien plus que le grand-père EyeHateGod – malgré une origine commune : la Nouvelle Orléans –, à peine les voisins de Bâton Rouge que sont Thou emmenant également le sludge voir ailleurs.
Qu’il soit tout cela. Mais qu’on le retienne : il sera dur d’être tout ce que Slowhole parvient à être dès son premier album. Le groupe mené par Shannon Arsenault frappe en effet un grand coup pour un premier essai – et même tout court tant on n’a pas entendu sludge aussi original et intoxiqué depuis un moment. La formation s’autorise à peu près tout ce qu’elle peut éclabousser sur les murs en hurlant – rappelant une fameuse scène de Possession de crise clastique dans des tunnels de métro –, usant même de blasts convulsifs sur « Something Is Happening to Me », « I'm Going to Kill You Until You Die » ou « Birther ». Un jusqu’auboutisme noise et vicieux qui rappelle Indian dans cette fascination qu’il y a à (se) faire mal.
Pour autant, Slowhole n’est pas qu’une surenchère dans la saleté, cherchant l’extrémisme pour lui-même. Il y a dans les leads de « Star Crucified » ou la lourdeur de « Birther », un peu de ce désespoir qu’un projet comme Abandon a étalé en long et large. Cela n’est pas gratuit – il en sera de même pour acquérir la version numérique de cette musique, malheureusement indisponible au format physique. Les cris de Shannon Arsenault le montrent particulièrement quand ils sont poussés dans leurs retranchements, laissant imaginer les dégâts sur le larynx. « Swallowed Whole », au bord du trip psychédélique dans son démarrage, est une preuve de la transe dans la douleur que cherche à atteindre les Ricains.
Une extase perverse dans laquelle ces derniers plongent plus d’une fois, tout en laissant entendre des erreurs de jeunesse. Slowhole convainc un peu moins dans son dernier tiers où il renoue avec des tournures plus classiques (particulièrement sur « Die Today, Live Forever / Bride II ») – heureusement, les travaux de James Plotkin (O.L.D., Khlyst, Khanate) et James Whitten (qui a enregistré Thou, EyeHateGod ou encore Barghest) habillent déjà d’une belle couche de saloperie l’ensemble. Rien d’handicapant donc, pris que l’on est dans cette musique si attachée à transmettre une folie rongée – Toadliquor n’a pas encore été cité ? Étrange, tant on pense à lui ici – qu’on retourne vers elle plus d’une fois, obnubilé. À surveiller de près !
| Ikea 10 Avril 2025 - 862 lectures |
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citer | Heureusement que l'album n'est pas en odorama ! C'est bien maladif, ça ne respire pas la salubrité :-) |
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1 COMMENTAIRE(S)
10/04/2025 08:57