Hellish Form - Deathless
Chronique
Hellish Form Deathless
Du funeral doom qui console, ravit, fait ressentir des émotions positives et un désir de plus grande justice, d’une plus grande diversité d’expérience et de rencontres, d’une plus belle… vie ? Il y a de quoi hurler au scandale ! Et c’est pourtant ce que propose Hellish Form sur son deuxième album.
À y réfléchir, le ver était dans le fruit. La beauté contemplative que pouvait avoir Mournful Congregation sur The June Frost, les appels au salut contenus dans The Divinity of Oceans (Ahab) ou encore la sensiblerie des derniers Evoken, Skepticism ou certains Pantheist… Le funeral doom, malgré son discours de mort, de deuil, de tristesse intrinsèque et non-négociable, a déjà pu avoir ses instants de clarté, ses larmes et ses colères qui sont une expression de la vie se débattant, son appel à un lointain meilleur et inaccessible. Le duo Willow Ryan / Jacob Lee, excroissance des formations de sludge / drone / doom Body Void et Keeper, ne fait qu’aller voir ce qui se trame dans ce que certains ont peint en mirages impitoyables, prenant le chemin vers cet horizon liseré de rose à la manière de l’illustration signée Cauê Piloto. Après la nuit viennent le point du jour et ses promesses.
Hellish Form promet d’ailleurs beaucoup avec son style fortement ancré dans un classicisme auquel s’ajoutent des éléments extra-stylistiques, à commencer par ces claviers typés dungeon synth augmentant l’aura désuète, hypersensible et altière de l’ensemble. Marquants en eux-mêmes (la fin de « Texas is Sinking » et la conclusion « Pink Tears »), ils augmentent un peu plus l’intention contrastée des guitares qui oscillent entre riffs caverneux comme on en a l’habitude et leads mélodiques exprimant cette remontée vers la lumière. Deathless joue constamment sur ce clair-obscur avec plus de réussite que son prédécesseur Remains encore engoncé dans une trop grande récitation. Là où, auparavant, les quelques pistes vers une personnalité particulière – un défi de taille dans ce style prompt au clonage des grands anciens – étaient encore à l’état de traces timides, ces quarante-huit minutes allient les différents éléments avec plus d’harmonie, notamment en ce qui concerne le chant extrême et éraillé de Willow Ryan. Deuxième sortie de route au sein de ce genre balisé, il exprime un dégoût ancré dans la réalité – l’album aborde le sujet de la transphobie, accusant les intolérants et réconfortant les victimes – tout en possédant un coté cathartique.
De quoi se dire que les Ricains rejoignent à leur manière cette nouvelle scène pleine de groupes usant de l’ancien pour faire naître le nouveau, celle qui ne se coupe pas de la réalité mais se sert de l’art pour la nommer, la combattre au besoin et appeler de ses vœux des lendemains moins sombres, les Thou, Ragana, Hell ou Mizmor. Des entités se servant de l’extrême – qu’elles manipulent mais n’édulcorent jamais – pour en faire ressortir une radicalité dépassant le simple cadre musical. Les concernant, le discours et sa mise en forme sont indissociables ; cela vaut également pour Hellish Form où la voix maltraitée et androgyne, la sensibilité de chaque instant, la violence aussi portée que subie, prennent tout leur sens une fois intégré le thème principal de Deathless. De quoi remettre une pièce sur le débat de la séparation entre propos et musique que d’autres font comme gymnastique quotidienne.
Hellish Form marie les contraires et les réconcilie avec succès sur Deathless. Cependant, passé l’effet bœuf de sa musique aux premières écoutes, l’impression générale se fait plus nuancée au fur et à mesure, le duo n’étant à son meilleur que sur certains passages et non sur la globalité. Quelques échos de cette absence de prise de risque sur le plan émotionnel qui grevait Remains sont encore présents, notamment dans le ventre mou « Transfigure » et le premier tiers de « Texas is Sinking ». En somme, ici comme ailleurs, le meilleur reste peut-être à venir. À Hellish Form de s’occuper de sa partie mais, vu les qualités qu’il possède, il a tout ce qu’il faut pour concrétiser pleinement son funeral doom déjà cotonneux, poignant et consolateur.
| Ikea 29 Juin 2025 - 477 lectures |
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1 COMMENTAIRE(S)
citer | "Du funeral doom qui console, ravit, fait ressentir des émotions positives", c'est un scandale !
En plus 48 min pour le style, c'est tout juste un EP, voire un single ;-) |
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1 COMMENTAIRE(S)
29/06/2025 23:47
En plus 48 min pour le style, c'est tout juste un EP, voire un single ;-)