En dehors des ultra cultes Iron Maiden et Judas Priest qui ont marqué à jamais plusieurs générations, Satan est sans doute mon groupe de heavy metal préféré avec Riot. Alors quand les Anglais sortent un nouvel album, c'est toujours un événement particulier. À la fois très attendu vu ma relation privilégiée avec le quintette et craint, un faux-pas pouvant toujours arriver. On est d'ailleurs pas passé loin avec
Atom By Atom que j'ai mis du temps à adouber après le phénoménal
Life Sentence qui remettait Satan sur le devant de la scène après presque trente ans d'absence. En fin de compte, il s'avérait très bon ce troisième album, quoique clairement inférieur à
Life Sentence qu'il parait de toute façon impossible à surpasser tant il s'impose comme la perfection incarnée. Tout juste pouvait-on y voir un léger signe d'inquiétude quant à la suite. Du moins musicalement car Satan connait depuis sa reformation un succès qu'il n'avait jamais connu, même au temps du premier opus
Court In The Act, un des tout meilleurs albums d'un heavy metal alors en plein développement. Des critiques dithyrambiques, des concerts partout dans le monde, une popularité grandissante et désormais une signature chez Metal Blade. Bref, tout va bien pour Satan! Fort de cette réussite inespérée il y a encore quelques années, le combo de Newcastle revient donc sur le légendaire label californien pour un cinquième album,
Cruel Magic. Et si j'ai fini par adopter
Atom By Atom après quelques hésitations, j'avoue rester sur ma faim avec celui-là...
En guise d'avant-goût, les Britanniques ont sorti le single
The Doomsday Clock l'été dernier. Déjà, j'émettais de gros doutes sur le morceau-titre qui sentait le réchauffé et présentait un groupe en panne d'inspiration. Pas de problème avec la seconde compo par contre, "Catacombs", petit bijou de heavy speedé comme Satan en a le secret (dommage qu'il ne soit pas repris ici d'ailleurs). Là encore, après plusieurs écoutes, je révisais mon jugement et applaudissait des deux mains. Satan ne pouvait décemment pas me décevoir, impossible! Alors quand j'ai écouté
Cruel Magic pour la première fois et qu'il m'ait passé complètement au travers, je ne me suis pas tout de suite inquiété. Ça allait sans doute faire pareil qu'avec
Atom By Atom et
The Doomsday Clock. Et en effet, les rencontres suivantes se sont révélées un peu plus enrichissantes. Mais seulement un peu plus. Après une bonne vingtaine de fois à faire tourner le disque, il faut bien se rendre à l'évidence.
Cruel Magic est une déception.
Les signes n'avaient pas tort cette fois. Je n'ai pas aimé le titre de l'album dès son annonce, tout comme la peinture d'Eliran Kantor malgré ses belles couleurs, alors qu'il avait fait un travail remarquable pour
Life Sentence et
Atom By Atom. Pas forcément très grave sauf quand le contenu va dans le même sens. Qu'a donc bien pu changer Satan pour m'en faire arriver à cette conclusion? Très peu de choses à vrai dire mais c'est suffisant pour me faire grincer des dents. Si on reconnait sans peine la patte de la formation, on décèle tout de même une certaine évolution. Une évolution qui oriente le groupe vers plus de diversité rythmique. Moins de speederies, plus de mid-tempos et de sensibilité progressives. On savait la paire de guitaristes Steve Ramsey et Russ Tippins versée dans ce style et les seventies, cela se ressent désormais dans leur écriture pour Satan. Rien d'exubérant, c'est savamment distillé par ces musiciens de grande classe, mais cela suffit à me faire moins accrocher, n'étant pas friand de ce type de sonorités et de rythmiques plus posées. Putain mais "Ophidian" doit être le morceau le plus mou et chiant de leur discographie! Ça ne se réveille qu'à 3'25 pour une lead magnifique qui ne peut toutefois pas sauver les meubles à elle toute seule. "Cruel Magic" n'est pas non plus ce que les Britanniques ont fait de mieux en dépit de quelques motifs plus intéressants et d'accélérations plus efficaces. "Legions Hellbound" fait trop souvent bander mou lui aussi alors que son break posé à la cool sur un solo savoureux et une basse groovie passe tout seul, bizarrement, tout comme, de façon moins étonnante, le refrain sur le motif mélodique hypnotique. Dans la liste des morceaux mi-figue mi-raisin, on peut aussi rajouter "Who Among Us" qui ne décolle qu'à partir de sa deuxième moitié bien plus inspirée et pas que parce que ça accélère, le passage en arpèges se révélant aussi très plaisant. L'œuvre se termine par un "Mortality" longuet pas très passionnant malgré quelques éclairs (belle intro acoustique, bonnes idées de riffs parfois nouvelles pour le groupe, lead sympathique, lignes de chants accrocheuses). Satan aime bien terminer ses albums par un long morceau plus calme et ambiancé. Pourquoi pas mais il faut sortir le grand jeu comme sur "Alone In The Dock" ou "Another Universe" pour marquer les esprits. C'est quand même important le titre de clôture, bordel! Alors oui, aucun de ces morceaux n'est mauvais évidemment. Ils possèdent tous des qualités que beaucoup de groupes ne peuvent que rêver de déployer. Mais là c'est Satan nom d'un foutre, on attend autre chose! D'autant qu'on a aussi connu les guitaristes plus inspirés niveau solos qui ont toujours été un des points forts du combo. On reste ici bien au-dessus de la masse mais là encore sur l'échelle de Satan, on n'est pas au plus haut.
Voilà donc que les guitares, exceptionnelles d'habitude, descendent de quelques crans. Et il n'y a pas que les six-cordes qui se font moins inspirées. Le chant de Brian Ross, que pourtant j'adore, ne se révèle lui non plus pas toujours optimal. Pas techniquement bien sûr, le mec maîtrise son sujet et garde malgré son âge avancé (64 ans tout de même!) son timbre particulier reconnaissable entre mille que j'affectionne particulièrement. C'est plutôt dans certaines mélodies et rythmiques vocales parfois poussives voire bancales que le bât blesse (on est plus habitué à ça chez Blitzkrieg alors qu'il avait toujours été irréprochable dans Satan). Le refrain de "Cruel Magic" est juste naze, celui de "Death Knell For A King" pas beaucoup mieux, ses lignes sur les couplets et le refrain d'"Ophidian" endorment tout autant que ses collègues gratteux, celui bof de "Death Knell For A King". Et que dire de ces backing vocals plaintifs désagréables qui apparaissent de temps en temps sur la moitié des titres ("Into The Mouth Of Eternity", "Ophidian", "My Prophetic Soul", "Who Among Us", "Mortality")?! Ils n'apportent rien si ce n'est un rictus de désapprobation. Bref, si Brian Ross délivre une performance qui demeure malgré tout très correcte, on l'a connu bien plus percutant. Ça manque aussi de ces montées ultra aiguës pourtant tellement jouissives! Le frontman n'en sort qu'à la fin de "The Doomsday Clock" et "Ghosts Of Monongah"! Rien que ça, ça mérite le bagne!
Bon, je suis assez déçu, vous l'avez compris. J'attendais bien mieux de Satan, l'un de mes groupes favoris. Cela dit, il ne faut pas non plus tout foutre à la poubelle. Le talent de Satan ne s'est pas envolé d'un coup sur ce
Cruel Magic et on saura tout de même y trouver tout un tas de qualités que beaucoup d'autres groupes aimeraient avoir. Félicitons d'ailleurs le bassiste Graeme English dont l'instrument se fait bien entendre et surtout le batteur Sean Taylor, auteur sans doute de sa meilleure performance avec Satan. Forcément, les rythmiques étant plus variées et le côté progressif un peu plus prononcé, le bonhomme peut davantage s'exprimer et s'essayer à des patterns qu'il n'avait pas trop le loisir d'exécuter sur les albums précédents. Très propre, technique sans démonstration, plein de groove, Taylor assure à mort derrière les fûts, que ce soit sur les parties plus tranquilles ou les séquences rapides. Car oui, il en reste quand même de la rapidité. Et heureusement car ce sont les titres les plus speeds qui poussent l'opus vers le haut. "Into The Mouth Of Eternity" (bon titre d'ouverture bien pêchu), "The Doomsday Clock" (finalement ce fameux single que j'assimilais à du recyclage à sa sortie, c'est une des tueries de l'album), "My Prophetic Soul" (ultra bonnard celui-là et les percussions tribales discrètes dans le fond à un moment, ça le fait bien!), "Death Knell For A King" (qui nous rappelle sur certains riffs que sans eux Metallica ne seraient pas ce qu'ils sont) et "Ghosts Of Monongah" (bien headbangant et rock 'n roll) : c'est ça que j'aime chez Satan. Du NWOBHM/heavy speedé porté par des guitares racées aux mélodies virevoltantes. Efficacité, mémorabilité, vitesse, science du riff et de la mélodie, lignes de chant prenantes et classe folle.
Des qualités, des très bons titres, évidemment qu'il y en a ici. Il faudrait être sacrément difficile pour ne pas prendre régulièrement du plaisir à l'écoute de
Cruel Magic car certaines parties sont quand même top. Dotés d'un feeling mélodique sans pareil, Tippins et Ramsey restent une des meilleures paires de l'histoire du heavy. Brian Ross met encore à l'amende 90% des chanteurs actuels. Graeme English et Sean Taylor ne se sont jamais montrés autant qu'ici. Mais cela ne fait que cinq compos citées sur dix. Cela veut dire qu'un titre sur deux ne tombent pas dans les standards habituels d'excellence de Satan. On s'ennuie même carrément sur certains passages ou morceaux. Comment, dès lors, ne pas être déçu par
Cruel Magic? Venant d'un autre groupe, la note aurait sans doute grimpé d'un point et on aurait envoyé nos félicitations ou nos encouragements pour une nouvelle formation. Mais là c'est Satan, une putain de légende! Je comprends tout à fait leur désir d'évoluer, c'est très bien. Ils l'ont d'ailleurs fait de façon plutôt discrète, sans renier leurs racines et leur style de base. Mais le résultat n'est clairement pas à la hauteur des albums précédents. Il y a un monde entre ce nouveau disque et
Court In The Act,
Life Sentence ou même l'oublié et pourtant excellent
Suspended Sentence.
Cruel Magic plaira peut-être davantage à ceux préférant les choses plus softs et plus "prog". Pour moi, il s'agit tout simplement du moins bon Satan. Moi qui pensais ne jamais mettre Satan et déception dans la même phrase! 2018, malgré de très bonnes sorties, reste de toute façon une année à déceptions, entre Kataklysm, Machine Head, Drawn And Quartered, Requiem, Valgrind, Ataraxy, Deströyer 666, Magnanimvs, Spearhead... Mais Satan, putain, pas toi!
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